année : 2019
durée : 10'19''
lieu : Beijing (Chine)
cadrage, montage : Christiane Carlut
musique : Steve Reich, "Desert Music"
Le parc était presque désert, quelques couples de bientôt-mariés essayaient leurs costumes devant des photographes. J’étais à l’affût d’un événement qui pourrait surgir. Des monuments du patrimoine mondial, à l’échelle d’un chat, se succédaient selon une articulation géographiquement improbable ; des animaux à vertu exotico-décorative enduraient, attachés par une patte, une immobilité forcée ; des manèges attendaient des enfants qui ne venaient pas. Un spectacle dansé assurait : « We are the World », mais ce n’était pas vraiment certain, ou très approximatif. Le monde était au repos, et attendait son heure, caché derrière son avatar.
Je me demandais, tout en filmant : quel monde est ce monde que le parc nous présente ? Un Digest, un monde fait de creux et de manques, de clichés amalgamés, de ruptures dans l’espace-temps. Un monde fait d’animaux à la tâche, de futurs mariés stressés et narcissiques, de maquettes monumentales, un monde où nul ne peut reconnaître le monde, et ne s’avisera même pas de le chercher. Quel est ce monde ?
Ce qu’on ne verra pas dans le film : l’événement tant attendu, échappé à la vigilance de la caméra. Trois paons rassemblés dans un enclos : l’un d’eux arbore une roue permanente, arrimé par la patte à un rocher. Les deux autres paons lui servent de dauphins. L’homme entre dans le champ de la caméra, me cachant les oiseaux. Il parle, je ne comprends pas, je ne réponds pas. Alors la femme se glisse derrière le paon, appuie sur un mécanisme, et la roue du paon se referme.
Pour quel voyageur immobile ce monde est-il fait ?