LE JOUR OÙ LE CHIEN ENTRA DANS LE VILLAGE.


JOUR 1

AUBE. Les petites montagnes rondes de Corée. Un personnage entre par la gauche : un jeune homme, attaché à la taille par une corde tendue. Puis une jeune femme, dans une longue et lourde robe rouge foncé, attachée elle-même par la corde à la taille, qui se laisse trainer. Sa démarche emphatique, exagérée, comme une esclave enchainée dans une peinture orientaliste. Le jeune homme s'arrête, se retourne :

Le jeune homme
Allez mon petit chat, tu vas y arriver. Allez, avance… Encore un peu…

Arrivée vers le centre de l'image la jeune femme met sa main à son front puis se laisse lentement tomber à terre, comme au ralenti, reste sur le dos et ne bouge plus. Le jeune homme fait demi-tour lentement et va la relever sans se presser. Elle bascule sur elle-même, le repousse de ses deux pied, il tombe par terre. Elle se lève rapidement et se propulse en avant, trainant le jeune homme par la corde sur quelques mètres. Il se met à crier, à l’insulter, et il tire un grand coup sur la corde et elle tombe à son tour.

Une grosse charrette entre à son tour dans le cadre, sur laquelle est assise une vieille femme. A côté d'elle d'un petit théâtre de marionnettes et tout un ensemble d’objets empilés et indistincts. Aussi de grosses têtes d’animaux en carton pâte, des costumes accrochés par des cintres à une tringle aux montants de bois, auxquels sont accrochées de petites guirlandes lumineuses. Un homme d'une cinquantaine d'année pousse la charrette. On entend, dans un certain silence, que les roues qui grincent. Les deux hommes et la vieille femme sont vêtus en ouvrier.e.s, pantalons et vestes bruns, des casquettes sur la tête des deux hommes, foulard sur celle de la vieille femme.

L'homme dépasse les deux jeunes gens avec sa charrette et continue son chemin sans même leur jeter un oeil. La vieille femme dit doucement : « Tu vas abîmer ta robe ». Le jeune homme se remet sur ses pieds, la jeune femme aussi, et ils se mettent à courir pour rattraper la charrette. Ils sortent tous du cadre.

 

MATIN TÔT. Jour à peine levé. Plan moyen, début d’une belle journée. Une forêt, des fougères à l'orée. On avance lentement, en caméra subjective, assez bas, entre les herbes, à cinquante centimètres du sol. Un chien jaune entre dans le cadre par le côté. On le suit, lent zoom arrière. Le chien trottine jusqu'à la lisière de la forêt. Par delà la lisière, des maisons aux toits de chaume, et un grand champ que le chien traverse. La caméra s’arrête à la lisière de la forêt, suit le chien qui s’éloigne. Il entre dans un village Choseon1 qui semble désert. Il furète partout, il cherche à manger. On le suit de loin, puis on le retrouve dans le village, qu'on traverse à sa suite.

suite

8h30. Façade d’une maison de bois, plan moyen. Deux paniers en bois identiques alignés sur la terrasse, devant la maison, l’un plein d’outils qui dépassent, marteaux, pinces, pinceaux, l’autre vide. Les fenêtres et les portes de la maison sont fermées. Zoom arrière élargit lentement sur la totalité de la façade.

Une fenêtre est ouverte de l’intérieur par une jeune femme, Hayoun. Elle ouvre la porte d’entrée, sort devant la maison et regarde le ciel. Elle semble contente du temps qu’il fait et sourit. Elle est vêtue simplement, de manière intemporelle, chemise et pantalon bleus en coton, pieds nus. Elle n'est pas très grande, mais très dynamique, avec des gestes un peu brusques. Elle jette un coup d’œil alentours puis rentre dans la maison. On la voit, à travers la fenêtre, ouvrir une autre fenêtre sur l'arrière de la maison. Elle se penche aussi de se côté-là et jette un œil. Elle passe et repasse dans l’encadrement de la porte, depuis la cuisine. Puis elle fait glisser un document à spirales par terre, sur le sol de la terrasse devant la maison, sort de la maison avec un plateau qu'elle pose doucement à terre. Elle s’assied sur sol, sur la terrasse de bois. Elle se verse du thé, en boit un peu, avale un bol de riz au poisson. Elle saisit le document, cherche une certaine page qu'elle parcourt des yeux tout en mangeant. Elle commence à lire à voix haute, de plus en plus fort. Elle répète plusieurs fois certaines phrases, avec des tons différents. C'est une scène du « Chant de la fidèle Chunhyang2 ».

Hayoun
Trois ans après votre départ, trois ans sont passés sans nouvelles de vous. Etiez-vous ivre de l'odeur des pétales du printemps ?

Elle tente de la mémoriser. Elle mime des gestes avec ses mains, sans lâcher ses baguettes.

Un chien jaune passe devant la maison. Hayoun s’interrompt et le regarde. Le chien s’assied devant la maison, à distance, et la regarde aussi. Ils restent comme ça tous les deux sans bouger un moment, le chien regardant de temps en temps autour de lui, aux aguets. Elle tend la main vers lui. Il fait quelques pas vers elle, hésitant, puis s'arrête et s’assoit, et la regarde, en gardant ses distances. Elle se lève rapidement, rentre dans la maison et rapporte un bol de riz qu'elle dépose au bas de la terrasse. Le chien s’approche lentement, renifle longuement le contenu du bol avant de le dévorer en quelques secondes. Puis il s’éloigne, et elle le suit des yeux.

Elle termine son déjeuner, rentre dans la maison avec plateau et document, puis ferme portes et fenêtres. Elle attrape son panier plein d'outils, saute de la terrasse et remonte la rue. Elle porte des chaussures de sécurité et une veste sur les épaules. Il règne un grand silence et elle ne croise personne. Le village est désert. On la suit un peu, elle répète tout haut des phrases de la scène de Chunhyang, puis la caméra la dépasse et continue de remonter la rue déserte.

Hayoun
Etiez-vous ivre de l'odeur des pétales du printemps ?
Votre cœur s'est-il énamouré d'une belle femme ?

Vues du village Choseon. Lent travelling latéral sur des maisons aux toits de chaume et murs de torchis, d’autres aux toits de tuiles et aux murs de pierre et de bois. Le travelling découpe l’espace, alternance des pleins des murs et des creux entre les maisons.

FIN DE MATINÉE. Dans une ruelle très étroite du village Choseon, travelling marché. Caméra s’avance lentement, précautionneusement, se retournant sans cesse. Elle suit un soldat en uniforme de l'armée française de la guerre de Corée, qui erre dans les ruelles étroites entre les maisons. Son uniforme est sale et déchirés. Il titube un peu. La caméra ajuste sa visée aux regards du soldat, se retourne quand il se retourne.

Le soldat, tout bas
Où je suis là ? (Silence) Mais où je suis, là ? (Silence) Y’a personne ici ! Y’a pas un chat…! C’est complètement désert…! (Silence) Où je suis, là….! Mais qu’est-ce que je fais là…

La caméra avance le long de la ruelle en hésitant, passe devant le soldat, se retourne vers lui, avance encore, lentement, s’immobili
FIN DE MATINÉE. Hayoun descend une rue du village, elle rentre déjeuner chez elle. Du noir sur le visage. Elle se passe la main sur le front, étalant ainsi un peu plus le noir. En plein milieu de la rue, elle tombe sur un gros tas de débris : bois calciné, morceaux de métal déchiqueté, verre brisé. Elle s’immobilise. Des débris de la guerre. Elle examine le tas de débris, le contourne lentement et s’éloigne rapidement. Arrivée chez elle, elle range son panier à outils, s’assoit sur le banc, regarde fixement devant elle, met sa tête entre ses mains, respire un grand coup. Elle réfléchit à ce qu’elle vient de voir. Puis elle se lève d’un bond, attrape une brouette et remonte la rue. Arrivée devant les débris, en remplit sa brouette, fait demi-tour et redescend la rue. Elle se dépêche, comme s’il y avait urgence. On la suit de dos. Elle croise un homme (Youngha) qui remonte tranquillement la rue, en se promenant, regardant attentivement les batiments, dedans, dehors, prenant tout son temps. Il porte un pantalon et une chemise de coton brun, une veste en coton bleu sur l’épaule, des baskets blanches. Il passe près de Hayoun en l’ignorant tout à fait, et elle ne réagit pas à sa présence non plus. Il s’éloigne. Hayoun continue son chemin avec brouette et disparaît à l'angle d'une rue

12h30. Vues sur le village Choseon, d’autres maisons, toutes vides. Une prison en béton de l’époque de la colonisation japonaise. Des champs, des haies d’arbres qui coupent l’horizon, quelques jardins cultivés, du maïs. Au bout d’une rue, on voit passer le quatuor en file indienne, tous vêtus de hanboks. Ils se dirigent vers la sortie du village. L’homme plus âgé pousse la charrette, le théâtre de marionnette est monté, le bric-à-brac a disparu, le jeune homme tape sur un tambour, un janggu3. La jeune femme, en tête du défilé, agite des clochettes, et tous chantent la chanson du « Théâtre de campagne Laillag Kkoch4 », qui fait l’éloge de leurs hauts-faits. Ils annoncent une représentation à 15h00. Ils disparaissent mais on entend encore la chanson.

Le quatuor
Venez Mesdames et Messieurs, écouter le Théâtre de campagne Laillag Kkoch … Nous sommes venus de loin vous raconter l’incroyable histoire de Hung-hya…

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DÉBUT D’APRÈS-MIDI. Un homme en costume-cravate, Yong, remonte la rue du village Choseon, suivi par Youngha. L’homme est un peu énervé, marche vite, Youngha suit en arrière, en trainant les pieds. Ils s’arrêtent devant une maison.

Yong, en entrant dans la maison
C’est ta maison. C’est là que tu vas vivre. Allez, arrive, grouille-toi un peu, j’ai pas le temps… On a fait le ménage, y’a des draps, des couvertures, un peu de bouffe pour commencer. Après, tu te débrouilleras tout seul.
(Un temps) D’accord ?

Youngha
D’accord.

Yong
Mets-y un peu d’enthousiasme. Je fais ça pour t’aider.

Youngha, plus fort
Oui, d’accord. Merci beaucoup.

Yong
Faut que tu passes l’éponge mon pote. Avec ton passif, t’auras pas forcément des milliers d’autres propositions… C’est une bonne planque. Et t’es toujours dans le cinéma… C'est pas payé royalement mais ça te laisse du temps pour rebondir.

Youngha le regarde avec un air de surprise et de reproche.

Yong
Oui, bon, c’est pas pareil. Mais c’est pas si mal. Tout ne tient qu’à toi pour te faire un bon trou et rebondir...

Youngha
Oui. Un bon trou…

Yong, en colère
Arrête ! Tu fais chier là ! J’en ai marre ! Bouge toi un peu au lieu de te lamenter. Je ne peux pas faire plus pour l'instant…

Youngha
Excuse-moi. Oui, merci vieux. Merci vraiment. Je vais essayer. Je te promets. Merci…

Yong
Bon, tu me diras si t’as besoin de quelque chose. Je suis dans les bureaux, au bout du village, tu vois où c'est ? Au deuxième étage du bâtiment A. Le grand bâtiment. Vas faire un tour cette après-midi. Tu verras, c’est grand, y’a de quoi se balader. Et c’est toi qui décides de ce qu’il faut faire. Tu es ton propre chef. Personne te fera chier ici… Tu vas avoir une paix royale ! Les outils, tu as vu où c’était. Pour les courses, je peux te conduire une fois par semaine, on va s’organiser… On fera le point des travaux une fois par semaine. Et on en profitera pour se boire une bière…

Ils font le tour de la maison, inspectent les placards, la cuisine, la chambre. Ils sortent dehors, et jettent un œil sur les dépendances, les outils, le jardin.

Yong
Là tu peux te faire un potager si ça te dit... Mais ça va te dire. Je suis sûr. T’as déjà eu un potager ?

Youngha
Non, jamais. Je vais essayer…

Yong, en lui tendant la main
Allez mon vieux, j’y vais. Bon courage. Tu vas voir, ça va aller… Donne-moi des nouvelles…

Youngha, debout sur la terrasse, le regarde s’éloigner, puis rentre dans la maison. Examine les quelques objets qui sont là, un à un. Les prend, les tourne et les retourne dans ses mains, les caresse un peu. S’acclimate. Commence à faire son lit. S’y allonge, ferme les yeux. Des ombres des arbres dehors flottent sur son visage et sur le mur. La caméra s’en approche et on les regarde s’agiter…


15h00. Une dizaine de spectateurs installés sur de petits gradins devant le théâtre de marionnettes. La représentation a commencé. Les spectateurs sont rivés aux lèvres des acteurs, le spectacle est très bon, très drôle. Le chien jaune passe au large de la scène. Le jeune homme le voit et improvise, en le désignant du doigt :

Le jeune homme
Et le chien jaune descendit de la montagne, attiré par son instinct cruel, par le sang qu'il voulait boire au cou de la biche innocente...

Les spectateurs se retournent vers le chien, qui continue son chemin, et un enfant lui jette un pierre. On entend le cri du douleur du chien. Le jeune acteur envoie un sourire de reconnaissance à l'enfant, et son reprend son texte. Les spectateurs n'ont pas bronché.

 

APRÈS-MIDI. Hayoun répare la porte d’une maison du village Choseon. Elle est en train de remettre du papier à l’intérieur du cadre, qu’elle fixe avec une agrafeuse. Quand le papier est bien fixé, elle découpe les chutes avec un cutter. Elle prend son carnet, note des choses dedans, remet le carnet dans le panier, avec tous les outils. Elle ramasse les chutes de papier, et passe un coup de balai à l’intérieur et à l’extérieur de la porte, prend son panier et s’apprête à sortir. On entend des éclats de voix à l’extérieur.

Devant la maison passe le quatuor, très bruyant, qui revient de son spectacle avec sa charrette. Ils sont tous les quatre encore habillés en hanboks, les hommes portent des Gats sur la tête. Dans la charrette, des décors en papiers colorés, des affiches roulées, des costumes, des vêtements d’ouvrier suspendus à une penderie, le petit théâtre en carton peint est replié. On distingue maintenant un panneau fixé à l’avant de la charrette : THEATRE DE CAMPAGNE LAILLAG KKOCH. La vieille femme et son fils discutent en poussant la charrette, la jeune fille est attachés à la taille par une corde à la charrette. Elle se chamaille avec son frère. Hayoun s’interrompt et les regarde passer, très surprise. Le quatuor l’ignore complètement, sauf la jeune femme qui lui fait une grimace en passant, se met à marcher à reculons, adressant à Hayoun un sourire charmeur. Puis elle lui fait un signe avec son doigt qui dit « Je t’ai à l’œil ». Hayoun, stupéfaite, les regarde disparaître. Puis elle remonte le long des rues du village Choseon, se retournant de temps en temps...
APRÈS-MIDI. Youngha se promène dans les rues du village Choseon, les mains dans les poches. De temps en temps, il sort un petit plan des studios et tente de s’orienter. On le suit. Les maisons, les unes après les autres, occultent le lointain, un lent travelling latéral les découpe. Ouvertures entre des maisons sur des champs cultivés, des jardins, des haies d’arbres. En regardant son plan, il butte sur une pierre et tombe. Il se relève en se frottant la hanche, il sort de sa poche son téléphone portable qui s’est cassé dans la chute. De rage, il jette au loin le téléphone. Il se maudit, et s’insulte lui-même. Le téléphone se met à sonner sans s’arrêter. Youngha se précipite et essaie de répondre. Mais le téléphone continue de sonner, sans s’arrêter. Youngha le met dans sa poche, le téléphone continue de sonner.
FIN D’APRÈS-MIDI. Youngha est en train de réparer le mur qui entoure son jardin. Il dépose du ciment au creux des trous du mur, attrape des pierre neuves et complète la construction. Puis il remonte la terre au pied du mur avec une pelle, et il la tasse avec ses pieds. Il grimpe sur le mur, là où il est sec, s’assoit dessus et allume une cigarette. Il laisse l’allumette brûler le plus longtemps possible, il se brûle les doigts, pousse un grognement et jette l’allumette. Il regarde le bout de sa cigarette se consumer et souffle dessus. Autour de lui, le paysage est fermé par des haies d’arbres. Il grimpe debout sur le mur et regarde autour de lui lentement, la caméra (contre plongée) se fixe sur son visage (travelling compensé). Derrière lui, la vue est bouchée, aucune perspective sur le lointain.

Voix dans sa tête
Récit thérapeutique : comment réparer Youngha… Un : Youngha grimpe sur le mur, allume une cigarette et observe son désastre autour de lui. Derrière lui, des haies d’arbres, aucune perspective sur le lointain. Le lointain est beaucoup trop loin pour lui. Il faut regarder les choses de près, à la loupe, des petits trucs insignifiants, et attendre que ça se tasse un peu…

Un sourire éclaire son visage. Le chien jaune s’approche de lui. Youngha se met à crier et à gesticuler pour l’effrayer. Il fait tout un cinéma. Le chien ne part pas, mais s’assoit et le regarde. Youngha se sent un peu idiot, ce qui l'énerve encore plus, puis il saute du mur, ramasse une pierre et fait semblant de la jeter dans sa direction. Le chien s'éloigne, s’arrête, s’assoit, regarde Youngha à nouveau. Puis se relève et s’éloigne tranquillement. Youngha remonte sur le mur et finit sa cigarette. Puis il ramasse ses outils épars au pied du mur, et les range dans une caisse. Regarde le mur réparé, il semble assez content…

Voix dans sa tête
Mais ça ne se tasse pas. Youngha, tu es un idiot…

Youngha, très fort, en direction du chien
Hé, le chien, je suis un idiot ! Reviens !


CRÉPUSCULE. Cadre serré sur le petit théâtre en bois peint du quatuor. Le visage de la vieille femme apparaît lentement derrière le rideau, très sérieuse, elle commence à faire très lentement une horrible grimace en regardant droit devant elle. On entend en voix off les rires des jeunes gens assis par terre devant le théâtre. Puis le visage de l’homme entre lentement à côté de celui de la vieille entre les rideaux : très sérieux, il regarde aussi droit devant lui, puis, ostensiblement, lève les yeux au ciel et commence à faire des grimaces en poussant des grognements. Leurs deux têtes prennent tout l’espace de la scène. C’est un concours de grimaces. Rires en voix off des jeunes gens.

Voix off des jeunes gens
Vous êtes trop moches. Ahahaha. Vous êtes vraiment horribles. Ca fout la trouille… Ahahaha…. Vous êtes affreux…

Zoom arrière : le théâtre est dressé sur la charrette, dans un champ, à côté d’une cabane de bois et de paille, les deux brancards posés sur un petit muret de parpaings. De petits lampions aux verres colorés avec des bougies dedans sont accrochées aux montants du théâtre. Les deux jeunes, assis dans l’herbe, se tordent de rire.

Voix off de la jeune femme
A nous, maintenant. C’est notre tour.
Poussez-vous ! Allez ! poussez-vous !

Ils se lèvent et montent dans la charrette en poussant les deux autres. Imitent des cochons. Des chevaux. Des vaches. Des grognements et des rires dans le silence de la nuit qui tombe. Un rire supplémentaire s’élève et le quatuor s’immobilise. Hayoun s’avance vers le théâtre, en riant et en applaudissant. Un silence. Les deux jeunes du quatuor sautent à terre, ne rigolent plus du tout, attrapent les brancards de la charrette et tous s’éloignent rapidement et silencieusement. On n’entend plus que les crissements des roues de la charrette. Hayoun cesse de rire et les regarde partir, interloquée. Le quatuor, en ombre sur le ciel, s’éloigne, découpe du théâtre sur la charrette sur le fond du ciel. Ils se retournent vers elle, furieux. Puis un rire de la jeune femme, suivi par celui du jeune homme. Au loin, l’ombre d’une biche qui sort de la forêt. Le quatuor va dans sa direction. Zoom arrière, au premier plan, Hayoun de face qui s’en retourne, l’air dépité.

1 Période de l’histoire de la Corée, 1392 à 1910, dynastie Yi, retour du confucianisme, grand essor de la culture.

2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chant_de_la_fid%C3%A8le_Chunhyang

3 Le Janggu est un tambour dédié au Pansori, l'art coréen du récit chanté. Pansori signifie chant du lieu public, du marché : Pan est la place publique dans les villages, sori, le chant ou le bruit, terme péjoratif qualifiant la parole ou le chant de quelqu'un qui, dans la hiérarchie sociale, n'a pas droit au respect. Ce genre est apparu au XVIIIe siècle, au cours de la période Choseon.

4 du lilas.

 
se un peu avant la fin de la ruelle.